La fois où j’ai eu envie de vous parler de mon papa

Je ne partage pas souvent de choses très intimes, par pudeur ou pour rester positive et « inspirante ». Mais la vie est loin d’être lisse et aujourd’hui me rappelle le temps qui passe et le manque. Aujourd’hui, cela fait 10 ans que mon papa est mort.

Je dis « mort », pas « décédé » ou « parti », les mots m’aident à me confronter à cette réalité qui me faisait tellement peur avant qu’elle ne fasse irruption dans ma vie. De nature anxieuse, j’ai toujours eu, et encore à l’heure actuelle, peur de perdre les gens que j’aime. La mort, la rupture amoureuse me sont très difficiles à surmonter. J’aime à 1000% et je souffre en conséquence. Adepte du contrôle, je cherche à retenir l’autre, j’ai du mal à accepter son départ. Sauf qu’il y a dix ans, il était inéluctable. Il y a dix ans, dans une chambre d’hôpital, discutant avec un médecin, je suis devenue adulte. Je ne sais pas si c’est ça, je ne me sens pas vraiment « adulte » en fait, mais ce jour-là, un poids a pesé sur mes épaules. Pas vraiment une décision ferme à prendre mais l’acceptation que je n’allais plus pouvoir m’appuyer sur mon papa, lui parler de ma vie, partager mes passions avec lui. Cette semaine-ci, je voulais acheter une télé. Lui qui adorait le hi-fi m’a vraiment manqué. Conséquence, je n’ai toujours pas de télé, je n’y connais rien, je ne sais pas choisir. Le manque tient dans les détails du quotidien.

Je pense qu’il y a des moments de fracture dans la vie, des moments qui nous font basculer vers une autre phase de notre existence, qui font que nous ne serons plus jamais pareils. Je ne suis plus la même depuis dix ans. Mes relations avec mes proches ont changé, ma manière d’être amoureuse, ce que j’attends de la vie. Ce n’est pas pire, ce n’est pas mieux, c’est juste différent. Je relativise beaucoup de choses, je ne me retiens plus quand je sens que quelque chose est bon pour moi, même si je me confronte au jugement des autres, parce que je sais qu’il m’aurait soutenue, dans toutes les décisions que j’aurais prises, tous mes choix de vie, pour autant qu’ils me rendent heureuse.

Il y a dix ans, j’ai pris un coup de vieux, attrapé des cheveux blancs à cause de la tristesse et ils ont disparu par la suite. Si la peine est moins intense et moins fréquente avec le temps qui passe, je n’oublie pas et l’amour ne s’amenuise pas.

Le deuil se fait, réellement, il ne rend pas plus fort, loin de là mais on garde quelque chose en soi de l’amour qu’on a partagé et on gagne en humanité.

Mais là, je voudrais juste que quelqu’un qui m’aime me prenne dans ses bras.

Jess 🖤