La fois où j’avais peur de la fin du confinement

Un jour, une psychanalyste m’a dit cette phrase « le temps ne se perd pas, il passe ». La question du temps perdu avait dû émerger dans une conversation à propos de tout ce qu’il y a « à faire », d’imprévus venant gripper les rouages de journées remplies à l’excès.

Nous lisons tous actuellement ces pensées positives qui circulent au sujet de ce que nous aurons pu développer comme nouvelles manières d’être au monde pendant le confinement.

Je me faisais donc la réflexion que réduire mes activités professionnelles, par la force des choses puisque la partie de mon travail qui consiste à recevoir des patients dans mon cabinet de psychothérapie est momentanément interrompue, me fait du bien. Cela devrait être une évidence mais j’étais en fait persuadée, jusqu’il y a peu, que mon édifice s’effondrerait si j’étais moins active, moi qui fonctionne toujours en flux tendu, sans me poser sauf pour un bon moment de glande planifié.

J’avais écrit ce post mi-avril, encore loin de la fin du confinement dont nous aurons bientôt des nouvelles plus précises quant à la ré-ouverture sur le monde. Encore plus aujourd’hui qu’il y a deux semaines, je réalise que j’ai PEUR de la reprise. Peur après avoir découvert avec bonheur que j’aime bien être très disponible pour mes enfants, leur apprendre des choses même inutiles a priori, cuisiner avec et pour eux, pu observer que mes cheveux sont jolis pas lissés et ma peau plus fraîche, que des choses que je pensais indispensables peuvent être en stand-by.

J’ai peur de mes propres angoisses face à la maladie qui sera toujours là, du manque de mes garçons quand je ne pourrai plus être présente près d’eux, même si nous travaillons dans notre bulle, eux pour l’école, moi pour le boulot parce que malgré ces occupations, nous pouvons nous interrompre et relever les yeux pour constater que nous sommes ensemble.

J’ai peur de la logique post-confinement dans laquelle nous pourrions sombrer rapidement, j’ai nommé, « rattraper le temps perdu ». Rapport à la première phrase de ce texte… Le temps du confinement ne se perd pas, il passe. Et à la sortie, nous n’aurons pas perdu de temps, il sera passé, avec son lot de choses reportées ou de possibilités qui ne le sont plus. Tant pis. Lâcher, ce n’est pas mon fort, je m’accroche moi, à ce qui est passé, à ce qui est impossible, persuadée que la volonté modifie la réalité. Alors cette fois, j’aimerais vraiment me dire “tant pis” et lâcher ce qui n’a pu advenir en me concentrant sur l’univers des possibles post-confinement. Ambitieux n’est-ce pas?

Les effets psychiques du confinement vont se marquer encore longtemps après que nous ayons pu reprendre une vie à l’extérieur de la maison. N’ajoutons pas à cette lourdeur parfois sous-estimée les impératifs de tout rattraper le plus vite possible, au risque d’un effondrement physique (le corps a pris un autre rythme), du moral (nous avons dû faire face à une solitude inédite face à laquelle nous  tenons mais parfois, à quel prix ?), d’une baisse de l’estime de soi si nous ne sommes pas au mieux ou d’une anxiété difficile à apaiser.

Respectons les autres autour de nous car nous ne savons pas comment ils auront vécu ce confinement et respectons-nous en tant qu’humains avec notre souplesse mais aussi nos fragilités. Nous ferons face à ce qui nous attend au retour mais prenons le temps de renouer avec notre vie en y intégrant nos changements, même minimes, liés à cette expérience… Mais bon, quand-même, j’ai peur.

#blisskiss

Jess