Laisser partir ce qui ne convient pas

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Accepter le changement est un véritable défi pour certains d’entre nous. Quand ce changement s’accompagne d’une perte ou d’un renoncement, nous dépassons les simples hésitations, ce sont alors des mécanismes plus profonds de lutte qui se mobilisent.

Choisir c’est renoncer… Combien de fois ai-je entendu cette phrase, venant de l’extérieur ou me la disant à moi-même… Car même lorsque certaines choses suscitent un inconfort ou nous mettent en difficulté, que ce soit sur le plan pratique ou émotionnel, nous nous retrouvons régulièrement dans des situations où il nous est difficile de renoncer à des schémas, des habitudes, des activités voire des personnes qui consomment davantage de ressources qu’elles nous en procurent.

Les individus, lorsqu’ils gardent de la flexibilité, fonctionnent en vivant une certaine dose d’ambivalence. L’ambivalence, c’est la version inconsciente de ces colonnes de « pour et contre », de cette feuille de papier divisée en deux qui devrait idéalement nous permettre de prendre une décision en faisant appel à nos ressources intellectuelles, en faisant un choix basé sur des éléments objectifs et notés noir sur blanc.

Mais nous négligeons trop souvent de prendre en compte un autre aspect, une source d’information primordiale, notre cœur. Nos émotions, notre instinct nous informent avant toute autre chose qu’il est parfois temps de lâcher une habitude, de lâcher un fonctionnement, de lâcher une relation. Nous avons cependant, pour beaucoup d’entre nous, et les témoignages le confirment, une tendance à les ignorer afin de maintenir à tout prix ce qui pourtant suscite au minimum de l’inconfort mais peut aussi être dommageable sur le long terme.

L’enjeu est subtil. C’est s’accrocher à une activité pour se prouver que l’on peut y arriver ; pour montrer que l’on est suffisamment flexible dans son agenda ; parce que cela fait plaisir à quelqu’un ; parce qu’on a le sentiment d’être utile alors que nul n’est indispensable ; parce que nous en tirons des bénéfices secondaires, une certaine forme de valorisation. Nous nous accrochons parce que, si à dix reprises nous sommes dans l’inconfort, nous allons vraisemblablement rencontrer une expérience où la onzième fois sera agréable. Et tout le processus de détachement est à recommencer. Choisir c’est renoncer et renoncer c’est risquer la perte. Et l’être humain n’aime pas avoir à faire avec la perte, perte d’une opportunité, perte d’un bon moment, perte d’un lien.

Pouvoir dire non relève d’un autre mécanisme que la capacité à prononcer ce petit mot. Je rencontre beaucoup de personnes qui brandissent comme un étendard cette compétence durement acquise : pouvoir « dire non », refuser des propositions, des engagements. Mais je suis convaincue que ce n’est pas en disant non de manière quasiment systématique et irréfléchie, presque par principe, que l’on grandit, que l’on se déplace, que l’on peut explorer de nouvelles facettes de sa personnalité ou de sa vie. Il faut, et c’est important, oser dire oui ! Ce qui se pose alors plus pertinemment comme question est « dire oui à quoi ? ».

Les limites que nous établissons entre nous-mêmes et l’extérieur se doivent d’être souples, en nous protégeant et nous gardant au chaud tout en laissant entrer suffisamment d’éléments du monde extérieur.

L’enjeu est donc avant tout de se construire un système de limites qui soit à l’écoute de ce que vous dictent votre instinct et votre cœur et en acceptant par moment de les repousser pour aller plus loin.

Il est d’apprendre à dire non, à refuser certaines choses, à supprimer certains points de sa vie ou à s’éloigner de certaines personnes mais en passant au préalable par une distinction entre ce qui vous fait évoluer même si cela commence par de l’inconfort et ce qui est inconfortable mais maintenu pour des raisons qui vous échappent.

L’enjeu est d’apprendre à se connaître et à repérer ce qui se répète et fait mal.

Il est, sans doute avant tout, d’apprendre à prendre soin de soi.

Jess